La conquête spatiale est depuis les années 50 génératrice d’innovation. Un challenge persiste, comment maintenir en vie les astronautes dans un environnement clos?
De l’étude des effets des conditions de vie dans l’espace sur l’Homme à la recherche de solutions sur les ressources essentielles, les agences spatiales du monde entier travaillent sur l’optimisation des conditions de vie dans l’espace notamment dans la perspective d’un futur voyage sur Mars. Parmi les solutions concernant les ressources, l’une d’entre elles fait l’unanimité: les BLSS (Bioregenerative Life-Support System) qui permettent de recréer des écosystèmes terrestres dans l’espace.
Les nouveaux défis liés à la conquête spatiale
Les voyages spatiaux de longue durée sont synonymes de nouveaux défis technologiques. Parmi ceux-ci, les contraintes liées au maintien des astronautes en système fermé font figure de limite aux possibilités d’exploration interplanétaires. La production de déchets dépasse généralement les apports quotidiens en éléments indispensables à la survie humaine tels que les ressources alimentaires ou l’oxygène. Si des réapprovisionnements sont possibles pour des vols de courte durée, cette solution n’est pas envisageable dans un cadre exploratoire.
En effet, il faudrait aux astronautes 6 à 8 mois de voyage spatial pour arriver sur Mars. Étant donné que Mars et la Terre se rapprochent uniquement une fois dans l’année, les astronautes devront ensuite rester 18 mois sur la surface de la planète rouge avant de pouvoir entreprendre leur voyage retour. Ainsi un tel voyage prendrait environ 3 ans durant lesquels les astronautes doivent être alimentés en eau, oxygène et nourriture. Dans les conditions actuelles, cela représenterait près de 12 tonnes de consommables pour un seul astronaute.
Des solutions inspirées par la nature
Pour répondre à ces problématiques émergentes, les agences spatiales mettent au point de nouveaux systèmes en boucle basés sur le principe des cycles de la matière (cycles du carbone, de l’azote) et qui permettent de recycler continuellement les ressources du système. Ces circuits incluent notamment des plantes et des microorganismes photosynthétiques qui permettent d’absorber le CO2 et de le convertir en O2 grâce à la photosynthèse. Par ailleurs, ils sont une source d’alimentation pour les astronautes lors de la mission spatiale et présentent également des capacités filtrantes permettant de recycler les déchets liquides en eau potable. En plus de cet aspect fonctionnel, des études ont montré l’importance de la présence de plantes lors des voyages spatiaux qui ont un effet bénéfique sur le morale des astronautes puisqu’elles permettent de recréer un paysage terrestre.

Système fermé de l’astronaute dans l’espace. On observe qu’avec ses libération de dioxyde de carbone et à l’aide de la présence de micro organisme, il y a production de biomasse qui va apporter de l’oxygène, des nutriments et de l’eau à l’astronaute et qui va également par les déchets non consommable contribuer à l’existence de ces micro organismes.
L’élaboration de ces systèmes s’avère être un vrai challenge pour les chercheurs. Au-delà des contraintes sur les ressources, les conditions de culture des plantes et des microorganismes sont profondément différentes sur Terre et dans l’espace. L’absence de force de gravité affecte la plante d’un point de vue physiologique, morphologique et biochimique. En effet, la gravité joue, par exemple, un rôle essentiel sur l’orientation des racines, la répartition des hormones de croissance et la forme générale de la plante. Ces systèmes s’avèrent, en plus, être très encombrants et très coûteux en énergie. Ils nécessitent encore des ajustements et davantage de recherche pour qu’ils puissent être utilisés lors des voyages de longue durée.
L’ESA (Agence Spatiale Européenne) se trouve parmi les agences ayant décidé de relever le défi, avec le projet MELiSSA (Micro-Ecological Life-Support System Alternative). Le système est composé de 5 chambres contenant différents types de bactéries assurant des fonctions qui leur sont propres comme la nitrification, la production d’oxygène ou de biomasse. Ces 5 chambres fonctionnent en symbiose afin de recréer un écosystème Terrestre optimal pour permettre la culture de plantes dans l’espace. Les organismes incorporés dans le système sont sélectionnés selon des critères bien précis. Pour les plantes, par exemple, des cycles de croissance courts, une haute productivité ainsi qu’une bonne résistance aux maladies font partie des critères essentiels à leur sélection. Plusieurs vols tests ont déjà permis de définir l’effet des conditions à bord de l’ISS et dans l’espace sur les microorganismes et les plantes.
Chlamydomonas reinhardtii, une algue aux multiples capacités

Comme tous les organismes photosynthétiques, Chlamydomonas reinhardtii à la capacité de convertir le dioxyde de carbone en sucre et en oxygène afin d’apporter de l’énergie à l’algue et permettre la respiration des êtres vivants. La photosynthèse comme son nom l’indique utilise la lumière comme source d’énergie pour réaliser cette conversion. C. reinhardtii possède dans son cytoplasme un grand chloroplaste, un organite dans lequel la photosynthèse se produit. On retrouve à l’intérieur de ces chloroplastes trois pigments, la chlorophylle a, la chlorophylle b et les caroténoïdes, ces pigments ont pour rôle de capter l’énergie lumineuse nécessaire à la photosynthèse. C’est également la chlorophylle qui va donner sa couleur verte à notre microalgue.
En dehors de son rôle dans la photosynthèse, la chlorophylle va participer à d’autres réactions au sein du cytoplasme. Elle va, par exemple, être capable de convertir les dérivés de tétracycline provenant des antibiotiques, en composés moins toxiques. C’est d’ailleurs grâce à cette abilité et sa capacité de bio accumulation et biosorption des métaux lourds tels que le plomb ou le cuivre,que Chlamydomonas reinhardtii est devenue une algue candidate pour être utilisée en station d’épuration pour nettoyer les eaux polluées des suites de l’activité humaine. C. reinhardtii est également capable d’éliminer les éléments nutritifs du milieu dans lequel elle vit pour limiter le phénomène d’eutrophisation. Ce phénomène se traduit par un excès de nutriments dans l’eau, encore une fois à cause de la pollution, ce qui entraîne une croissance excessive des algues qui altère l’équilibre de l’écosystème et la qualité de l’eau. L’utilisation de microalgues pour régler ce problème est d’autant plus important que le processus d’élimination des éléments nutritifs à pour conséquence d’augmenter la biomasse, elles peuvent être ainsi récolté pour servir d’engrais agricoles. Ces nombreuses qualités font de Chlamydomonas reinhardtii une candidate parfaite pour intégrer le circuit hydroponique puisqu’elle permettrait d’agir à trois niveaux: dans la production d’oxygène et l’absorption de dioxyde de carbone, dans la filtration des déchets liquides et finalement dans le potager en tant qu’engrais.
Malgré son profil de candidate idéal, l’espace reste un milieu hostile et Chlamydomonas reinhardtii n’est pas insensible aux agressions auxquelles elle devra faire face dans l’espace. En effet, en absence de la protection de la magnétosphère et de l’atmosphère terrestre, C. reinhardtii sera exposée à de nombreuses radiations cosmiques ayant un effet délétère sur son intégrité cellulaire et génétique.
Mathilde Bied, Lucie Diby, Sophiane Poissonnier
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Article paru dans Je Science donc J'écris n°29 - Janvier 2022