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Cancérologie : 

Guérir des cancers grâce à la COVID ?

1 avril 2021

Attraper la COVID-19 pourrait-il aider à guérir du cancer ? C’est l’hypothèse que soulève cette étude de cas publiée le 02 Janvier 2021 dans le British Journal of Haematology. Voici ce qu’il s’est passé :

Un peu de contexte pour commencer: Lymphomes de Hodgkin, mais qu’est-ce donc ?

Lorsque l’on parle de cancer on pense assez rapidement aux tumeurs, à des masses poussant telles des champignons sur un organe. Les lymphomes échappent à cette règle, il s’agit ici d’une dégénérescence, bénigne ou maligne, des certaines cellules du système immunitaire, les lymphocytes. Ces derniers sont par exemple impliqués dans la fabrication des anticorps, sorte de petits aimants permettant de reconnaître et neutraliser les intrus osant s’aventurer dans le corps.

Les lymphomes de Hodgkin sont donc des lymphomes malins (cancéreux) avec une organisation des cellules le composant, visible au microscope, caractéristique.

Les lymphocytes passent la plupart de leur temps dans les ganglions lymphatiques. Un lymphome peut ainsi se manifester par le gonflement des organes dans lesquels siègent les lymphocytes (ganglions, rate, foie, amygdales…) ou bien par les conséquences de ces gonflements (compression d’une veine…). Les lymphomes Hodgkinien se manifestent entre autres par le gonflement des ganglions (“adénopathies”), de la fièvre ou bien une perte de poids.

Plusieurs traitements peuvent être proposés selon le stade de la maladie : irradiation par radiothérapie, action sur les cellules cancéreuses par chimiothérapie ou encore recours à des anticorps neutralisant les cellules cancéreuses par immunothérapie. La guérison complète est obtenue dans près de 90% des cas.

Résumé des faits relatés dans l’étude

Un patient de 61 ans, atteint d’un lymphome de Hodgkin, a été admis au service d'hématologie du Royal Cornwall Hospital à Truro au Royaume-Uni. Il présentait des symptômes caractéristiques d’un stade avancé de la maladie. De plus, une transplantation rénale infructueuse auparavant l’obligeait à subir de fréquentes dialyses et à arrêter toute thérapie immunosuppressive pendant 3 ans. Une biopsie et une tomographie réalisées à son admission à l’hôpital ont confirmé l’état avancé de sa maladie, qui était alors au stade III. 

Peu de temps après ce diagnostic, de nouveaux symptômes sont apparus : essoufflement et respiration sifflante, aboutissant au diagnostic de pneumonie. Vu le contexte, un test PCR au SARS-CoV-2 a été réalisé. Sans surprise, le test est revenu positif. Le patient a donc été pris en charge, puis gardé en observation pendant 11 jours. Il a ensuite été libéré pour une convalescence à domicile dès que son état s’est amélioré. Aucune immunothérapie ou traitement aux corticoïdes n’a été administré. Il s’agit là des traitements privilégiés contre le cancer.

Cependant, 4 mois plus tard, surprise : ses ganglions lymphatiques ont diminué de volume. Ceci fut validé par l’imagerie médicale, comme vous pouvez le voir dans les images de tomodensitométrie plus haut. La biopsie a également confirmé une diminution des cellules liées au cancer. 

Hypothèse: La COVID déclenche une réponse immunitaire anti-tumorale

La COVID n’aurait donc pas que des effets négatifs? L’hypothèse formulée par les chercheurs est que l’infection au SARS-CoV-2 pourrait déclencher une réponse immunitaire anti-tumorale chez ce patient. Le mécanisme sous-jacent impliquerait l’activation des lymphocytes NK (Natural Killer), par les cytokines produites en réponse à l’infection. Les lymphocytes NK, rappelons-le, font partie des cellules tueuses naturelles des pathogènes que rencontre notre système immunitaire. Il se pourrait aussi que cette rémission implique des mécanismes nouveaux, spécifiques au SARS-CoV-2, non identifiés jusqu’ici.

Perspectives : Des versions atténuées du SARS-CoV-2 pour guérir le cancer ?

Reste à savoir si ce cas a été observé chez d'autres patients et s' il serait possible de le reproduire de manière contrôlée. Peut-être pourrions-nous à l'avenir utiliser des versions atténuées du SARS-CoV-2, ou mimer son infection pour induire une réponse immunitaire anti-tumorale chez des patients atteints de cancer. Les perspectives restent, quoi qu’il en soit, encourageantes.

Delase Amesefe

Lucien Monod

En savoir plus

Challenor, Sarah, and David Tucker. "SARS-CoV-2-induced remission of Hodgkin lymphoma." British Journal of Haematology. https://doi.org/10.1111/bjh.17116 

Collège de la Société Française d’Hématologie - Item 316 Lymphomes malins

Article paru dans Je Science donc J'écris n°27 - Avril 2021