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Sciences cognitives :

Le cerveau – 

distinguer le vrai du faux

1 septembre 2021

 

Le 30 mars 2021, le Club de Sciences de Luminy (Aix-Marseille Université) a organisé une conférence sur les Mythes autour du fonctionnement du cerveau par le vulgarisateur scientifique qui tient notamment la chaîne de podcast « La tête dans le cerveau » et ancien neurologue et professeur de STAPS Chrisophe Rodo.  En voici un court résumé : Pourquoi s’intéresser au cerveau ? Il y a mille raisons à cela mais celle soulevée ici est qu’en comprenant mieux son fonctionnement nous pouvons alors modifier notre approche à l’apprentissage. En comprenant mieux les mécanismes donc de l’apprentissage nous pouvons faire au mieux pour  ne laisser personne dehors, ne pas faire de l’enseignement juste pour quelques-uns. Pourtant, de nombreuses fausses informations circulent sur le cerveau qui peuvent mettre à mal la compréhension de la science et du corps humain. 

 

Mythe n°1 : « On n’utilise que 10% de notre cerveau »

Il y a trois interprétations possibles à ce postulat. Soit, on n’utilise que 10% de notre cerveau stricto-sensu ; soit on n’utilise que 10% de notre cerveau EN MÊME TEMPS, soit on n’utilise que 10% de nos capacités cérébrales.  C’est le postulat du film Lucy où le personnage principal à accès à de plus en plus de ses capacités cérébrales ce qui va la changer progressivement… je ne vous en dit pas plus. Bien sûr ce postulat n’a aucun fondement scientifique. Il est tout de même vrai que nous n’utilisons pas tout notre cerveau en permanence. Si nous le faisions, nous ne deviendrons pas des surhommes car c’est justement une surcharge cérébrale qui cause les crises d’épilepsie.  Le postulat des 10% pourrait venir d’une préface écrite par Lowell Thomas pour aider la vente d’un bestseller, livre de développement personnel avant l’heure de Dale Carnegie.

 

Mythe n° 2 : « On peut apprendre de nouvelles choses complexes en dormant »  

Dans les années 50 des chercheurs ont voulu tester ce mythe en tentant de faire apprendre des choses à des individus pendant qu’ils dormaient [1]. Les connaissances scientifiques sur le sommeil ont depuis beaucoup évolué mais alors, les ondes alpha que l’on peut détecter grâce à  un électroencéphalogramme (c’est la mesure de l’activité électrique naturelle du cerveau) suffisent à dire si le participant dormait ou non. Cela reste  une bonne approximation bien que la compréhension du sommeil se soit beaucoup affinée depuis. Cette étude a conclu que non, on ne peut pas apprendre de nouvelles choses en dormant. J’ajoute un point supplémentaire avec l’information que lorsque nous dormons, ce que nous écoutons n’arrive plus jusqu’au cortex préfrontal, ce n’est donc pas analysé de la même manière que nos connaissances intellectuelles. La réponse à cette question se complexifie néanmoins  avec la découverte que durant un rêve lucide nous pouvons communiquer avec l’extérieur c’est-à-dire répondre à des stimulis auditifs de manière consciente.

 

Mythe n°3 : « Les poissons rouges ont une mémoire déplorable »

Leur mémoire serait si déplorable qu’un tour de bocal suffirait à leur faire oublier ce qu’il y ont appris. Ceci est bien sûr faux et prouvé faux par plusieurs études. Pour une des expériences menées, des chercheurs ont utilisé 8 poissons rouges; chacun dans un bocal individuel [2]. A l’intérieur de chaque bocal il y avait un système de distribution de nourriture avec un interrupteur et un levier.  Pour recevoir de la nourriture, le poisson devait appuyer sur le levier mais il recevait alors de la nourriture uniquement si l'interrupteur était allumé. Au début de l'expérience l'interrupteur était en permanence allumé et au fur et à mesure des jours, le temps d’allumage de l'interrupteur  se réduisait pour arriver à 1 seule heure par jour à la fin de l’expérience. Arrivé à ce stade, le poisson rouge va appuyer beaucoup plus souvent sur le levier pendant cette heure où l'interrupteur est allumé qu’au cours des 23 autres heures de la journée. Le poisson va modifier son comportement et même garder cette modification plusieurs jours d'affilée. C’est donc qu’il a une mémoire ! Pas une mémoire d’humain, c’est bien une mémoire de poisson rouge mais une mémoire tout de même. Pour tester la mémoire d’autres espèces que la nôtre il faut comprendre ce qui motive l’espèce notamment pour sa survie. Il ne sert à rien de tester la mémoire d’un poisson sur la mémorisation des décimales de pi, vous l’aurez compris. Pour trouver de la nourriture par contre, c’est une autre histoire.

 

Mythe n°4 : « Écouter du mozart rend intelligent »

Ce mythe se base sur une expérience scientifique qui a réellement eu lieu. Trois groupes pour une total de 36  personnes ont été placés soit dans le silence, à écouter une sonate de Mozart ou à écouter des exercices de relaxation [3]. Dans un deuxième temps, les participants ont procédé à un test de QI… enfin… pas vraiment. Dans un deuxième temps les participants ont participé à un test de rotation dans l’espace de cubes c’est-à-dire de représentation spatiale.  Les auteurs ont ensuite « traduit » ces résultats en termes de points de QI, sans autre explication. Leur conclusion est que le groupe Mozart a gagné en moyenne 8 à 10 points de QI par rapport aux autres groupes. Il y aurait donc une relation de cause à effet entre l’écoute de Sonate pour deux pianos en Ré majeur K448 et les points de QI ! Magnifique, tous les parents se sont mis à acheter des disques de musique classique pour les enfants pour booster leurs connexions neuronales (ça ne peut pas faire de mal après tout).  De nombreuses équipes ont tenté de reproduire ces résultats mais sans succès. C’était attendu vu le peu de participants qu’il y a eu dans l’étude. Le résultat des courses ce fut donc une perte de temps pour les équipes de recherche et beaucoup d’encre coulée. 

Ces mythes nous apprennent plusieurs choses. En premier lieu, que le passage d’une connaissance scientifique à une connaissance partagée est tumultueux et que l’appât de l’argent et de la popularité peut souvent faire prendre des raccourcis à ce processus. Autre chose est qu’une étude s’inscrit toujours dans un cadre particulier, déjà à ce que l’on teste précisément et aux individus qui ont participé. C’est en mélangeant les équipes de recherche et les populations que nous pourrons tirer de plus amples conclusions. C’est ainsi que l’on dégage les grandes lignes du monde qui nous entoure et du fonctionnement cérébral. La science est un processus itératif. On apprend, on affine, confronte et oppose des points de vue.  Je vous laisse à présent occuper votre cerveau à d’autres articles et d’autres apprentissages ! 

 En savoir plus

[1] Emmons W.H. et Simon C.W. (1955). The non-recall of material presented during sleep. The american journal of psychology, 69 (1) : 76-81.

[2] Gee P. et al. (1994). Temporal discrimination learning of operant feeding in goldfish (Carassius auratus). Journal of the experimental analysis of behavior, 62 (1) : 1-13

[3] Rauscher F.H. et al. (1993). Music and spatial task performance. Nature, 365 (6447) : 611.

Podcasts de Chritophe Rodo : 

« Les dix pourcent (épisode 20) », Publié sur Cerveau en argot, le 06/11/2017

« Le dormeur apprenant (épisode 81) », Publié sur Cerveau en argot, le 28/12/2018. 

« La déplorable mémoire des poissons rouges (épisode 71) », Publié sur Cerveau en argot, le 12/10/2018 .

« L’effet Mozart (épisode 10) », Publié sur Cerveau en argot, le 02/10/2017. 

 

Article paru dans Je Science donc J'écris n°28 - Septembre 2021